- ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE
- ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCEOrchestre national de FranceLa plupart des orchestres de radio sont nés entre les deux guerres pour satisfaire aux besoins de l’antenne: les disques étant encore rares, l’essentiel de la musique était retransmis en direct. À Berlin, le premier orchestre de radio voit le jour en 1925; celui de la B.B.C., à Londres, date de 1930; celui de la R.A.I., à Turin, de 1932. Le 18 février 1934, le ministre français des Postes, Jean Mistler, signe le décret fondant l’Orchestre national, un ensemble de quatre-vingts musiciens dirigés par Désiré-Émile Inghelbrecht. En imposant l’exclusivité, le règlement de l’orchestre remettait en cause la pratique des remplacements, qui permettait aux instrumentistes de “jongler” entre le concert et l’opéra, l’enseignement et la musique de chambre, pratique usuelle dans les autres orchestres parisiens. Inghelbrecht recrute surtout de jeunes instrumentistes, encadrés par quelques “aînés” expérimentés. La moyenne d’âge, qui dépasse à peine trente ans, constitue un potentiel fantastique mais aussi une grave erreur, car la pyramide des âges, garantie d’un renouvellement progressif, n’est pas respectée.Le premier concert se déroule dans la salle de l’ancien Conservatoire, le 13 mars 1934. Pour respecter le champ d’action des autres orchestres, les activités de l’Orchestre national étaient limitées à la radiodiffusion: il ne pouvait enregistrer de disques et le public devait être admis gratuitement. Inghelbrecht parvient en peu de temps à une certaine cohérence. Les musiciens sont habitués à préparer des programmes rapidement (deux concerts par semaine, plus les déjeuners-concerts à effectif réduit). Inghelbrecht dirige la plupart des concerts, en alternance avec Roger Désormière ou Eugène Bigot. Son assistant s’appelle Manuel Rosenthal. En 1935, Toscanini choisit l’Orchestre national pour les deux concerts qu’il dirige à l’Opéra. C’est la première apparition de l’orchestre au premier plan de la vie symphonique parisienne.Plus de la moitié de l’orchestre est mobilisée en 1939. L’autre part le 26 octobre pour Rennes, où Inghelbrecht parvient à donner des concerts dans le théâtre municipal, réquisitionné. Il crée un bulletin de liaison, le Courrier de l’Orchestre national , qui permet de garder le contact avec les mobilisés. Mais après le bombardement de Rennes, le 16 juin 1940, l’orchestre cesse d’exister, pour se reconstituer en zone libre, en mars 1941. Le gouvernement de Vichy choisit de l’installer à Marseille, en excluant les musiciens juifs; parmi eux, la violoniste Jeanne Haskil, sœur de Clara. Le 1er mars 1943, l’orchestre regagne Paris, où il fête son millième concert. Mais il est difficile, pour un ensemble subventionné, de garder ses distances vis-à-vis des autorités d’occupation. À la Libération, Inghelbrecht, écarté, est remplacé par Manuel Rosenthal.Henry Barraud, directeur de la musique à la radio, rebâtit l’orchestre en quelques années et l’inscrit dans le cadre de la nouvelle direction musicale de la radio. Il engage Rosenthal comme chef permanent; celui-ci pratique une programmation résolument novatrice: musique contemporaine, cycle Stravinski en 1945 et retour en grâce des musiciens français mis à l’index. Les premiers chefs invités sont Désormière, Martinon et Girard, suivis, en 1946, de Klemperer, Paray, Münch, Kletzki... Le statut aménagé permet à l’orchestre de donner des concerts publics, d’enregistrer des disques et d’effectuer des tournées. Le premier déplacement a lieu à Berlin en 1946, suivi d’une série de concerts historiques à Londres, en juin-juillet de la même année. Les premiers disques officiels sont enregistrés sous la direction de Paul Kletzki en 1947 (Tableaux d’une exposition de Moussorgski-Ravel et Boléro de Ravel). Mais l’orchestre ne se découvre une stature internationale qu’au cours de sa première tournée en Amérique du Nord, à l’automne de 1948: pendant plus de deux mois, les musiciens donnent trente-neuf concerts aux États-Unis et au Canada sous la baguette de Charles Münch, qui devient vite leur idole.Mais Henry Barraud a compris que ce premier succès repose surtout sur d’étonnantes facilités et sur une faculté d’adaptation qui fait la force des Français. Un travail en profondeur s’impose dans certains répertoires, notamment les romantiques allemands et particulièrement Brahms, que Schuricht et Krips “apprennent” à l’orchestre. Les créations vont bon train: Le Soleil des eaux de Boulez sous la direction de Désormière (1950); au même programme figure la première française du Divertimento de Bartók; huit jours plus tard, au festival d’Aix-en-Provence, c’est la première européenne de la Turangalîla-Symphonie de Messiaen; en 1951, la création de la Symphonie no 1 de Dutilleux. L’Orchestre national donne également la première française de Wozzeck (direction de Jascha Horenstein, 1950) et révèle les symphonies de Mahler et de Bruckner.En 1952, Désormière, qui avait remplacé Rosenthal en 1947, est paralysé à la suite d’une attaque. L’orchestre va alors travailler sans chef permanent, mais avec des invités réguliers qui assurent une continuité (Kletzki, Cluytens, Münch). La liste des créations est impressionnante (Jolivet, Constant, Martinet, Rivier, Le Flem, Tansman, Françaix, Delannoy...), certaines parfois houleuses, comme Déserts de Varèse, que dirige Hermann Scherchen en 1954. André Cluytens effectue un travail en profondeur et infléchit le style de l’orchestre dans le répertoire romantique allemand, tout en maintenant sa couleur spécifique faite de transparence et de précision rythmique, qui convient à merveille à Berlioz, Debussy et Ravel. Des contacts se nouent entre les orchestres du monde entier et les traditions d’interprétation commencent ainsi à évoluer. Cluytens effectue une tournée triomphale en U.R.S.S. (1959). La même année, l’orchestre joue Mozart au festival de Salzbourg. En 1960, c’est le Moyen-Orient.La nomination de Maurice Le Roux au poste de directeur musical, en 1961, crée une situation nouvelle pour l’époque, où les orchestres de radio avaient l’habitude de dissocier les fonctions de chef permanent et de directeur. Les concerts du mardi soir au Théâtre des Champs-Élysées sortent de leur anonymat par la création d’un système d’abonnement. Et, en 1963, après l’inauguration de la Maison de la radio, Le Roux parvient à maintenir les concerts au Théâtre des Champs-Élysées, où son public commence à se fidéliser. L’orchestre retourne en Amérique du Nord en 1962 avec Münch et Maazel, en 1967 avec Münch et Le Roux, puis à nouveau en 1970. En 1966, c’est la première tournée au Japon, sans oublier la participation régulière aux festivals de Strasbourg, Besançon et Montreux depuis le début des années 1950. Jean Martinon succède à Le Roux en 1968. Les responsables de l’O.R.T.F. espèrent que son expérience et sa notoriété donneront un coup de fouet à un orchestre qui commence à vieillir. Martinon relance la politique d’invitation de grands chefs. Les enregistrements (E.M.I., Deutsche Grammophon, Erato) se multiplient et certains font date, comme l’intégrale Debussy ou les symphonies de Saint-Saëns. Martinon fait revivre tout un fonds de musique française, jusqu’alors inédit au disque (Schmitt, Roussel, Dukas, Ibert, Honegger...).Pierre Vozlinsky, directeur des programmes et services musicaux de l’O.R.T.F. à partir de 1973, prend conscience du changement qui s’est opéré dans la vocation des orchestres de radio et souhaite faire de l’Orchestre national une formation d’élite en luttant contre la routine et en rajeunissant les effectifs. En 1975, les musiciens de plus de soixante ans (plus d’un tiers de l’orchestre) sont mis à la retraite. Certains pupitres sont littéralement décapités (hautbois, altos). Pendant deux ans, Sergiù Celibidache dirige régulièrement. Il obtient un nombre de répétitions considérable (jusqu’à douze par programme) et provoque un sursaut. Mais la rupture survient en 1975, au moment où l’Orchestre national devient Orchestre national de France (O.N.F.).La politique médiatique de Vozlinsky ressemble davantage à une succession d’événements ponctuels qu’à la restructuration dont a besoin l’orchestre. Aucun chef permanent, une série de baguettes prestigieuses qui passent comme des étoiles filantes et rendent encore plus difficile le travail des autres chefs avec un orchestre devenu très exigeant. Bernstein, Sawallisch et Ozawa conduisent des opérations d’envergure. Lorin Maazel, premier chef invité à partir de 1977, est directeur musical entre 1988 et 1990. Mais l’orchestre, profondément modifié par le renouvellement massif des effectifs à la fin des années 1970, cherche sa véritable identité. Partagé entre la Maison de Radio-France, le Théâtre des Champs-Élysées et la salle Pleyel, il lui manque un véritable point d’ancrage. Charles Dutoit, directeur musical de l’O.N.F. à partir de 1991, opère une transformation analogue à celle qu’il a réalisée à Montréal: recréer un passé à l’O.N.F., orchestre jeune comparé à des phalanges plus que centenaires qui ont su établir une véritable tradition.
Encyclopédie Universelle. 2012.